mercredi 19 décembre 2018


Antidote 10
Montréal, Druide Informatique, 2018
129,95 $

Tout le français au bout des doigts

L’éditeur Druide souligne le 25e anniversaire de son application phare en publiant Antidote 10. Depuis Antidote Prism (2001), j’ai souligné ici l’excellence sans cesse améliorée de ses dictionnaires de langue — définitions, synonymes, antonymes, famille de mots, etc. —, du conjugueur, des guides grammaticaux et, bien sûr, du correcteur.



Parmi les nouvelles fonctions apparues au fil des ans, soulignons Anti-Oups!, un correcteur de courriels associé aux messageries, et une version anglaise du correcteur répondant aux besoins des usagers sous Windows, OS et Linux, ou pour les appareils mobiles d’Apple.
Qu’allaient proposer les linguistes et informaticiens de Druide pour cet anniversaire? En tenant compte de l’évolution des technologies de l’information et de la langue française, ils devaient réviser les trois composantes du logiciel — dictionnaire, correcteur et guide —, les peaufiner et ajouter de nouvelles fonctions.
J’utilise Antidote 10 depuis novembre dernier. J’ai d’abord désinstallé la version précédente, modules français et anglais et Le Visuel intégré; l’installation s’est ensuite déroulée rondement. Ayant lu attentivement les consignes, j’ai été surpris que l’indispensable Anti-Oups! ne prît plus en compte Windows Mail, cette messagerie n’étant plus mise à jour. Heureusement, l’agent Connectix, une fonction d’Antidote, lie Anti-Oups! à d’autres messageries dont Outlook et le gratuiciel Thunderbird.
Grand utilisateur des dictionnaires, j’aime qu’ils soient mis à jour régulièrement. Ainsi, Antidote 10 compte 128 000 mots, dont 15 000 noms propres; 50 000 locutions; 1 000 000 de synonymes, hyponymes et hyperonymes; 100 000 antonymes; 950 000 cooccurrences avec de nombreux exemples d’utilisation.
À oui, les cooccurrences! « Larousse dit qu’il s’agit de l’apparition dans un même énoncé de plusieurs éléments linguistiques distincts, et de la relation entre eux. » Par exemple, le mot pomme peut être associé à manger, croquer, cueillir ou éplucher, mais aussi à pin, discorde, arrosoir, douche, etc.
Côté conjugueur, celui d’Antidote 10 compte de 9 000 verbes aux temps simples et composés. On consulte aussi les champs lexicaux; l’étymologie de 100 000 mots; l’évolution de 26 000 mots à travers les siècles; les homonymes et paronymes; les régionalismes et marques d’usage, etc.
Si vous êtes branchés à internet, Antidote 10 donne un accès direct à Wikipédia, au Grand Dictionnaire Terminologique (GDT) de l’Office de la langue française, au guide du rédacteur Termium et à un moteur de recherche. L’usager peut configurer un accès à d’autres ressources Web au choix.
Antidote 10 est LE correcteur en francophonie. C’est pourquoi il faut préciser le pays où on habite, l’usage qu’on en fera, le niveau de langue généralement utilisé, la forme classique ou révisée de certains mots, etc. Par exemple, une scientifique qui rédige des rapports pour ses collègues n’a pas le même discours lorsqu’elle écrit un article destiné au grand public.
Antidote 10 compte quelques 120 nouveautés, la plus remarquable à mon avis étant que les dictionnaires unissent le français et l’anglais en donnant la traduction de 2,5 millions de mots et expressions.
Enfin, je dois souligner l’excellence du guide d’utilisation d’Antidote 10. Intitulé Posologie, on peut y passer des heures à explorer, entre autres, les paramétrages qui permettent de l’adapter à nos besoins spécifiques et découvrir ses autres talents. Que voilà un cadeau à mettre sous l’arbre familial, car il sera utile à toutes et tous!

mardi 18 décembre 2018


Étrennes 2018

De beaux et bons livres sous le sapin

J’ouvre les pages de trois romans et de deux beaux livres, des ouvrages à offrir ou à recevoir. Les œuvres narratives sont de très longues histoires qui vous habiteront, alors que les images des albums vous feront visiter des habitations d’autrefois et retracer le parcours de femmes inspirantes.

Eric Dupont
La route du lilas
Montréal, Marchand de feuilles, 2018, 592 p., 34,95 $.

Le premier roman s’intitule La route du lilas et il a été écrit par l’auteur de La fiancée américaine (2012), Eric Dupont. Il s’agit d’un long récit dans lequel Shelly et Laura « traversent l’Amérique [en camping-car tous les ans] en suivant la floraison du lilas. Souhaitant vivre dans un printemps éternel, elles reprennent la route dès que les fleurs fanent, à destination d’une ville où le lilas vient tout juste d’éclore. À la demande d’une amie, elles ont une passagère, Pia Barbosa, une Brésilienne en fuite qui doit se rendre à Montréal sans laisser de traces.
Chaque soir, les trois femmes s’adonnent à l’écriture, faisant le récit de leurs secrets, de leur passé et de leur humanité. Outre l’histoire récurrente du lilas, ce sont les personnages et leur vie tumultueuse qui insufflent de l’énergie à une suite d’histoires d’amour. On rencontre ainsi Tucanos, un photographe qui fait tourner la tête de toutes les femmes et traque Édith Piaf. Maria Pia Barbosa au temps de ses études dans un couvent qui l’exaspère. Shelly, une horticultrice célèbre, qui se retrouve au cœur d’une guerre de pépinières. Du Brésil à Paris, on arrive dans un petit village de la côte gaspésienne où le lilas fleurira en juillet. » Je reviendrai longuement sur ce remarquable récit en janvier prochain.

David Goudreault
La bête intégrale
Montréal, Stanké, 2018, 720, 32,95 $.
L’univers de La bête intégrale, trilogie de David Goudreault, est tout autre. On dit que « l’auteur a ébranlé le paysage littéraire québécois. Repoussant les limites de l’humour grinçant, il a offert un regard à la fois dur et tendre sur les oubliés de la résilience, grâce à un protagoniste qui, en dépit de sa violence, est touchant de naïveté. » Voyez. La bête à sa mère (2015) s’ouvre ainsi : « Ma mère se suicidait souvent. Elle a commencé toute jeune, en amatrice. Très vite, maman a su obtenir la reconnaissance des psychiatres et les égards réservés aux grands malades. Pendant que je collectionnais des cartes de hockey, elle accumulait les diagnostics. » Puis, le début de La bête à sa cage (2016) est encore plus soufflant : « J’ai encore tué quelqu’un. Je suis un tueur en série. D’accord, deux cadavres, c’est une petite série, mais c’est une série quand même. Et je suis jeune. » Enfin, il y a Abattre la bête (2017) où l’écrivain annonce d’entrée de jeu qu’à «la fin de ce récit, je vais me tuer. Et puis mourir. C’est ainsi. Toute bonne chose a une fin, mais moi aussi. »

Madeleine Thien
Nous qui n’étions rien, traduit de l’anglais (Canada) par Catherine Leroux
Québec, Alto, 2018, 548 p., 32,95 $ (papier), 18,99 $ (numérique).
Le troisième roman s’intitule Nous qui n’étions rien. Madeleine Thien, l’auteur, nous amène à « Shanghai, pendant la Révolution culturelle [chinoise], où deux familles d’artistes nouent des liens que rien ne viendra briser. Des décennies plus tard, à Vancouver, une jeune femme entreprend de reconstituer leur histoire à l’aide du Livre des traces, un roman sans début ni fin, à la fois fictif et véridique, qui semble renfermer toutes les vies possibles. Ainsi débute une étourdissante quête des origines entre les mailles de l’histoire, la vraie, et l’inventée. Saga d’une humanité renversante, la romancière dépeint la Chine, des années trente jusqu’au nouveau millénaire, de la place Tian’anmen jusqu’au désert de Gobi. Elle raconte aussi l’injuste silence autour des disparus, la résilience, la force de la mémoire, le pouvoir de la musique et de l’écriture. Roman total d’une minutie presque irréelle, il pose avec compassion une question à jamais pertinente: qu’est-ce qu’une société juste? »

Perry Mastrovito
Maisons anciennes du Québec, volume 2
Saint-Constant, Broquet, 2018, 168 p., 39,95 $.
Allons au rayon des beaux livres y trouver Maisons anciennes du Québec, volume 2 de Perry Mastrovito, photographe montréalais. L’ouvrage « compte plus de 365 photos mettant en vedette de magnifiques maisons en pierre des champs et pièce sur pièce recouvertes de planches de bois et en crépi, construites pour la plupart dans les années 1700 et 1800. On retrouve même une maison dont la construction initiale remonte vers l’année 1650. Les images détaillées et inspirantes accompagnées de descriptions par l’auteur nous transportent à nouveau dans le temps pour y découvrir l’ambiance apaisante et unique que les maisons anciennes dégagent. »

Chiara Pasqualetti Johnson
Ces femmes qui ont influencé le monde
Saint-Constant, Broquet, 2018, 224 p., 29,95 $.
Une dernière suggestion, mais non la moindre : Ces femmes qui ont influencé le monde de Chiara Pasqualetti Johnson. L’auteur y raconte « la vie de cinquante femmes remarquables d’hier et d’aujourd’hui dont les réalisations ont marqué profondément la société. On y rencontre reines et artistes, politiciennes et icônes de la mode, actrices et scientifiques, exploratrices et femmes d’affaires, athlètes et femmes ordinaires qui, avec courage et détermination, ont donné un sens à leur vie. Elles ont toutes relevé le défi de leurs ambitions et démontré, avec force et passion, que quiconque peut réaliser ses rêves, même ceux que le monde estime, à leur époque, inappropriés ou impossibles pour une femme. Souvent ponctuées de succès et de triomphes, mais aussi de tragédies et d’épreuves, leurs vies sont aussi excitantes et touchantes que les intrigues de grands romans. Parmi les notes biographiques et les photos qui composent l’ouvrage, on croise aussi bien Coco Chanel que Simone de Beauvoir, Estée Lauder que Rosa Parks, Joan Baez que Malala Yousafzai. » Toutes sont des femmes aussi inspirantes qu’inspirées.
Joyeux Noël à toutes et tous.

mercredi 12 décembre 2018

Nadine Bismuth
Un lien familial
Montréal, Boréal, 2018, 328 p., 27,95 $.

Crise de la quarantaine? Pfft!

Je m’ennuyais de la plume tantôt sérieuse et souriante, parfois satirique de Nadine Bismuth. Mon attente ne fut pas vaine, la trame d’Un lien familial me faisant découvrir la microsociété des quarantenaires, un temps jadis pour moi.
J’ai d’ailleurs remarqué que, d’un livre à l’autre, l’âge de ses personnages est généralement le sien, comme si la romancière projetait des séquences d’un film racontant sa génération, dont les acteurs se nomment ici Magalie, Charlotte, Isabelle, Romane, Sophie, Monique, Karine, Julianne, Nancy, Annabelle, Mathieu, Olivier, Guillaume, André ou François.




Chacun a un rôle bien défini dans l’espace et le temps du récit. Les lieux où ils vivent ou travaillent : résidence, bar, chambre d’hôtel, auto. Leur vie personnelle et sentimentale : amoureuse, amoureux, conjoint, enfants, amant, maîtresse. Leur vie professionnelle : avocat, policier, blogueuse, auteure, designer-cuisiniste, retraités.
Chacun des neuf chapitres du roman a pour narrateur Magalie ou Guillaume, et la transition de l’un à l’autre évoque l’instant d’avant ou d’un proche avenir. Cela donne du rythme à l’action, des séquences spatiotemporelles aux péripéties, des rebondissements à la chute finale. Un épisode s’insère aussi dans la trame comme un fil conducteur sans lien apparent, mais néanmoins déterminant sur l’ensemble du récit.
En bref, Un lien familial raconte six mois dans la vie de couples qui traversent des turbulences. Vouloir résumer le roman comme s’il s’agissait d’une fresque de la crise de la quarantaine serait injuste, car il redéfinit la problématique complexe de cet âge au 21e siècle, en s’attardant aux personnes, comme individu ou la demie d’un couple, ainsi qu’à l’image que chacun a de lui-même ou qu’il veut projeter.
Ainsi, Magalie, la voix féminine du roman, découvre que Mathieu, son avocat de mari, a une aventure avec Sophie, une collègue de travail. Elle préfère ne pas trop s’en soucier et se concentrer sur sa fille Charlotte. Il faut dire que, de son côté, elle n’a pas été plus fidèle : elle a couché avec Olivier, son associé, dont elle connaît bien l’épouse, Isabelle, car, comme Sophie, elles partagent le même espace de travail. Cette duplicité nourrit sa réflexion sur l’état actuel de la condition féminine qu’elle semble considérer sérieusement et assumer pleinement.
De son côté, Guillaume, la voix masculine, représente un certain art de vivre de sa génération. Divorcé, il occupe la maison où il vivait avec Karine et leur adolescente Julianne, car cela facilite la garde partagée. Lors d’une fête de famille, il rencontre Monique, la nouvelle compagne de son père, ainsi que Magalie, la fille de cette dernière. A-t-il un coup de foudre pour la designer-cuisiniste? Chose certaine, elle ne lui est pas indifférente, au point où, excellent prétexte selon lui, il va la consulter au sujet des rénovations de sa cuisine.
De Magalie à Guillaume, on apprend ce qui mijote dans la vie émotive et sentimentale de chacun, et l’influence déterminante du quotidien sur leurs pensées et leurs actions. Dans un tel contexte, il suffit d’un événement anodin pour qu’explose un tsunami intérieur. Du côté de Magalie, Romane, l’employée d’Isabelle, lui reproche son aventure avec Olivier, pour lequel elle a elle-même le béguin. Du côté de Guillaume, son expérience d’ex-conjoint et de père d’une ado illustre la valse-hésitation ressentie quant à l’avenir des hommes de son âge.
Un lien familial nous fait donc partager l’intimité de personnages d’un tel réalisme qu’on semble les connaître au point de presque ressentir leurs émotions. Y aura-t-il des millénariaux ou de la génération Y, pour raconter de semblables péripéties ou d’autres qui s’y apparentent? Qui sait, mais on peut déjà en découvrir les turbulences à travers celles des Magalie et Guillaume de ce monde.

mercredi 5 décembre 2018


Marie-Ève Martel
Montréal, Somme toute, 2018, 208 p., 24,95 $.

Le prix social de la liberté de presse

La presse subit sans cesse l’ire du public, ce n’est pas nouveau. Pourtant, les médias sociaux relaient sans relâche ses contenus. Pendant ce temps, les revenus distribués aux plateformes de nouvelles sont les mêmes, alors que celles-ci se multiplient. On comprend alors que les médias traversent une crise majeure, ce qu’analyse Marie-Ève Martel dans un essai percutant, Extinction de voix : plaidoyer pour la sauvegarde de l’information régionale.




L’enquête de l’essayiste porte sur les journaux, radios et télés en dehors des grands centres, comme Montréal et Québec. À quoi servent les médias locaux, demande-t-elle? Réponse courte: rendre compte de la vie des micros sociétés où ils sont installés. Version longue: ils sont les chiens de garde de la vie démocratique; le ciment de la vie sociale et économique; les partenaires de la vie culturelle et de ses manifestations; la voix des sans voix; la mémoire d’une collectivité.
Ces rôles polarisants ne s’exercent pas à la légère et sont régis par un code d’éthique et une rigueur intellectuelle à toute épreuve. Écrire dans un journal ou traiter d’affaires publiques à la radio ne s’improvisent pas. C’est d’autant plus important, car le « journalisme citoyen » peut aisément sombrer dans un populisme dont le discours s’alimente de fausses nouvelles.
Jadis, la moindre municipalité québécoise avait au moins un hebdo. La liberté de presse était « encadrée » et les publicités, une obligation morale. Sans rouler sur l’or, les journaux étaient rentables en informant la population de la région, la rivalité entre eux équilibrant les opinions. Puis, ces journaux étaient vendus et la population, fière de les supporter.
Autres éléments de leur érosion, sinon d’une destruction massive : l’arrivée de Google, Apple, Facebook, Amazon (GAFA). Ces sociétés ont squatté les communautés en appâtant leurs sources de financement publicitaire. Marie-Ève Martel donne des exemples de cela, entre autres que les divers gouvernements ont fait passer la majorité de leur budget de publicité du côté d’internet, dont GAFA.
Que dire de la gratuité des médias passés sur la toile et cessés d’être imprimés? La gratuité n’est qu’illusion, le consommateur les payant en achetant les produits des publicitaires.
L’essai aborde aussi la situation des journalistes. Devenus les bêtes noires de certains élus qui ignorent tous des relations avec les médias, les journalistes en région, parfois dans les villes, n’ont plus les coudées franches. Leur rôle de conscience sociale est devenu la risée de gens d’influence. Certes, rien n’est parfait au pays de la presse, mais la majorité de celles et ceux qui ont choisi le journalisme comme profession ont d’abord acquis la formation nécessaire pour l’exercer leur indispensable rôle en démocratie.
« Quelles solutions pour l’avenir des médias en région? » demande M.-È. Martel. L’aide financière de l’État est une piste non négligeable à condition d’être sévèrement encadrée pour bloquer toute interférence politique ou autre. Par exemple, cela peut se faire en ramenant l’obligation de publier dans la presse écrite les avis publics, l’abolition de certaines taxes ou des frais postaux.
Si la recherche de nouvelles sources de financement est déterminante, elle doit être accompagnée d’une sensibilisation de la population au rôle des médias régionaux dans la vie sociopolitique, économique et culturelle du milieu. Une bibliothécaire me confiait récemment avoir expliqué aux élèves de son institution qu’il y a plusieurs sources d’information autres que Wikipédia et qu’une information sérieuse et rigoureuse s’appuie sur plus d’une source. Le droit à l’information doit être accompagné du devoir de celle-ci d’être irréprochable. Les journalistes professionnels sont, pour la majorité d’entre eux, encadrés par des règles strictes en démocratie et savent s’autoréguler.
En lisant cet essai, j’ai aussi appris que la société Icimédia, dont Le Canda français est le bateau amiral, est actuellement l’entreprise de presse regroupant le plus d’hebdos régionaux au Québec. Or, quand j’associe toutes les informations relatives à la situation de ces périodiques à la mission que s’est donnée Icimédia, je crois que, partout où cette société opère un journal, la population a des chances d’être bien informée puisque sa première préoccupation est justement de l’informer en tenant compte des réalités du milieu.