mercredi 8 janvier 2020

Dominique Fortier et Rafaële Germain
Pour mémoire : petits miracles et cailloux blancs
Québec, Alto, 2019, 176 p., 23,95 $ (papier), 14,99 $ (numérique).

Miroir convexe, miroir concave

Deux femmes vouent un respect pour leurs œuvres respectives. Dominique Fortier est écrivaine et traductrice; elle est aussi la mère de Zoé. Rafaële Germain est autrice et chroniqueuse; sa fille se prénomme Zaza. Un jour, une connaissance commune fait qu’elles se rencontrent, la magie s’opère et un projet de création s’invite: écrire à quatre mains Pour mémoire: petits miroirs et cailloux blancs.



DF – j’emploie les initiales – n’en est pas à sa première expérience du genre, ayant collaboré à l’écriture de Révolutions (Alto, 2014) avec Nicolas Dickner. Du côté de RG, outre ses romans inspirés du mouvement chick lit et son inoubliable essai Un présent indéfini : notes sur la mémoire et l’oubli (Atelier 10, 2016), elle a un long répertoire de collaborations à divers projets télévisuels.
Inspirer par Paris pour mémoire recueil de dessins de Gabriel Davioud dressant l’inventaire pictural des bâtiments parisiens devant être détruits lors « des grands travaux haussmanniens » (1852-1870), elles ont «voulu sauver, dans ce qui [les] entoure, une chose par jour, image, parole, ou oiseau, à l’épingler sur le papier avant qu’elle ne s’évanouisse».
En prologue, elles décrivent le terreau de leur jardin littéraire, puis, en préambule, chacune se situe dans le temps et dans l’espace: RG dans sa demeure au bord d’une rivière, au chalet de ses parents à Lachute ou en République dominicaine; DF à Scarborough, sur les bords de l’Atlantique, ou chez elle à Outremont. Ces lieux comme les heures du jour sont de véritables personnages tant ils font partie de leurs réflexions et que, parfois, ils cachent ces petits miracles qu’il faut retenir.
Il y aussi des vrais personnages: Zaza et PA, la fille et l’époux de RG; Zoé et Fred, ceux de DF. Rafaële G. n’hésite pas à parler de sa famille, habituée qu’elle est de la vie publique: on croise donc Francine Chaloult sa mère, Georges Hébert-Germain son défunt père, une tante, etc. Cela n’a rien du name dropping, mais cela manifeste la fierté d’être leur fille et d’entretenir de forts liens filiaux. Dominique F. est plus discrète et, hormis son conjoint et sa fille, elle ne fait pas référence à ses proches, sinon lors du décès de son premier amoureux et que la nostalgie est comme une grande vague semblable à celles dont elle observe le ressac tous les jours.
L’exercice auquel DF et RG se sont livrés n’est pas une mince affaire car, outre l’obligation d’écrire, ce qui ne semble pas un poids pour elles, l’existence n’est jamais un long fleuve tranquille et ce "petit miracle" qui gomme la banalité du quotidien n’arrive pas où et quand on l’attend. Heureusement, il y a les mots d’enfant qui sont de la poésie spontanée. En même temps, ces petits riens révèlent plein de choses sur chacune d’elles, sur leur univers, leur vie familiale, leur relation avec leur entourage ou leur art.
J’ai noté, entre autres, l’attention et l’intérêt que portent RG ou DF à leur fille comme maman et écrivaine, rappelant que la conciliation travail famille n’est pas plus simple quand on travaille chez soi. Pas étonnant alors que les sentiments soient aux couleurs des émotions de ces femmes.
Vouloir comparer l’écriture de Rafaële Germain et Dominique Fortier serait faire fausse route en contournant, maladroitement d’ailleurs, la chasse aux trésors d’instants du quotidien qu’autrement on aurait oubliés et à laquelle elles s’adonnent. Pour mémoire n’étant pas un dialogue, il ne faut pas chercher une suite dans leurs propos, sinon que chacune répond à une interrogation posée quelques pages avant.
Il m’arrive de ne rien noter dans un livre, sa matérialité en faisant aussi un objet d’art (papier, graphisme, police de caractères, illustrations, etc.); il en va ainsi de ce projet d’Antoine Tanguay et de l’équipe des éditions Alto. Or, il y a tant de perles dans ce coffre aux trésors que je me suis approprié la prose des autrices en les soulignant. C’est peu dire.

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