mercredi 12 décembre 2018

Nadine Bismuth
Un lien familial
Montréal, Boréal, 2018, 328 p., 27,95 $.

Crise de la quarantaine? Pfft!

Je m’ennuyais de la plume tantôt sérieuse et souriante, parfois satirique de Nadine Bismuth. Mon attente ne fut pas vaine, la trame d’Un lien familial me faisant découvrir la microsociété des quarantenaires, un temps jadis pour moi.
J’ai d’ailleurs remarqué que, d’un livre à l’autre, l’âge de ses personnages est généralement le sien, comme si la romancière projetait des séquences d’un film racontant sa génération, dont les acteurs se nomment ici Magalie, Charlotte, Isabelle, Romane, Sophie, Monique, Karine, Julianne, Nancy, Annabelle, Mathieu, Olivier, Guillaume, André ou François.




Chacun a un rôle bien défini dans l’espace et le temps du récit. Les lieux où ils vivent ou travaillent : résidence, bar, chambre d’hôtel, auto. Leur vie personnelle et sentimentale : amoureuse, amoureux, conjoint, enfants, amant, maîtresse. Leur vie professionnelle : avocat, policier, blogueuse, auteure, designer-cuisiniste, retraités.
Chacun des neuf chapitres du roman a pour narrateur Magalie ou Guillaume, et la transition de l’un à l’autre évoque l’instant d’avant ou d’un proche avenir. Cela donne du rythme à l’action, des séquences spatiotemporelles aux péripéties, des rebondissements à la chute finale. Un épisode s’insère aussi dans la trame comme un fil conducteur sans lien apparent, mais néanmoins déterminant sur l’ensemble du récit.
En bref, Un lien familial raconte six mois dans la vie de couples qui traversent des turbulences. Vouloir résumer le roman comme s’il s’agissait d’une fresque de la crise de la quarantaine serait injuste, car il redéfinit la problématique complexe de cet âge au 21e siècle, en s’attardant aux personnes, comme individu ou la demie d’un couple, ainsi qu’à l’image que chacun a de lui-même ou qu’il veut projeter.
Ainsi, Magalie, la voix féminine du roman, découvre que Mathieu, son avocat de mari, a une aventure avec Sophie, une collègue de travail. Elle préfère ne pas trop s’en soucier et se concentrer sur sa fille Charlotte. Il faut dire que, de son côté, elle n’a pas été plus fidèle : elle a couché avec Olivier, son associé, dont elle connaît bien l’épouse, Isabelle, car, comme Sophie, elles partagent le même espace de travail. Cette duplicité nourrit sa réflexion sur l’état actuel de la condition féminine qu’elle semble considérer sérieusement et assumer pleinement.
De son côté, Guillaume, la voix masculine, représente un certain art de vivre de sa génération. Divorcé, il occupe la maison où il vivait avec Karine et leur adolescente Julianne, car cela facilite la garde partagée. Lors d’une fête de famille, il rencontre Monique, la nouvelle compagne de son père, ainsi que Magalie, la fille de cette dernière. A-t-il un coup de foudre pour la designer-cuisiniste? Chose certaine, elle ne lui est pas indifférente, au point où, excellent prétexte selon lui, il va la consulter au sujet des rénovations de sa cuisine.
De Magalie à Guillaume, on apprend ce qui mijote dans la vie émotive et sentimentale de chacun, et l’influence déterminante du quotidien sur leurs pensées et leurs actions. Dans un tel contexte, il suffit d’un événement anodin pour qu’explose un tsunami intérieur. Du côté de Magalie, Romane, l’employée d’Isabelle, lui reproche son aventure avec Olivier, pour lequel elle a elle-même le béguin. Du côté de Guillaume, son expérience d’ex-conjoint et de père d’une ado illustre la valse-hésitation ressentie quant à l’avenir des hommes de son âge.
Un lien familial nous fait donc partager l’intimité de personnages d’un tel réalisme qu’on semble les connaître au point de presque ressentir leurs émotions. Y aura-t-il des millénariaux ou de la génération Y, pour raconter de semblables péripéties ou d’autres qui s’y apparentent? Qui sait, mais on peut déjà en découvrir les turbulences à travers celles des Magalie et Guillaume de ce monde.

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