mercredi 27 juin 2018


Bernard et Cécile Pivot
Lire!
Paris, Flammarion, 2018, 192 p., 44,95 $.

Pour saluer Bernard Pivot

J’écoute rarement les émissions littéraires. Ce n’est pas là un jugement sur leurs qualités ou le talent des animateurs. Elles m’ennuient. J’aime cependant lire ce qu’écrivent les journalistes du livre. C’est entre autres pourquoi je me tourne vers les ouvrages de Bernard Pivot dont les remarques et commentaires me permettent de jeter un regard critique sur mon travail de lecteur professionnel et de chroniqueur littéraire.
Justement, le Lyonnais octogénaire vient de publier Lire!, un essai écrit en collaboration avec sa fille Cécile Pivot. Ce livre aborde vingt-et-un sujets ayant pour objet la lecture, du privilège et du plaisir de lire aux rituels qui l’entourent aux activités que l’on sacrifie pour lire, etc.




Avant d’étudier le propos, je dois dire que l’objet livre est magnifique, du papier choisi aux illustrations qui sont une plus-value, notamment celle où on voit James Joyce et ses amies dans la librairie parisienne Shakespeare & Co, en 1938. Moi qui annote toujours mes lectures, mes remarques et commentaires ont noirci des fiches pour cet essai comme pour le plus récent Dany Laferrière.
Lire! fait un parallèle entre le point de vue d’un professionnel et celui d’une passionnée avertie. Un exemple anodin de ce qui les distingue, c’est le plaisir qu’éprouve Cécile Pivot d’entrer chez son libraire pour bouquiner ou voir les nouveautés qu’on lui a réservées. Certes, elle pourrait choisir parmi les livres que son père met de côté, mais elle ne peut se priver de respirer l’air des rayons d’une librairie.
Papa Pivot ne peut plus se balader ainsi à travers les allées, car ses moindres gestes seraient épiés. Il a cependant un problème qu’on peut lui envier: où ranger tous ces livres qu’il reçoit? Il m’est facile d’imaginer ce que cela peut représenter puisque je vis une situation semblable bien que moins importante.
Animer des émissions hebdomadaires comme « Apostrophes», de 1975 à 1990, et « Bouillon de culture », de 1991 à 2001, est très exigent. Pour le meneur de jeu, cela représente plus d’une dizaine d’heures de lecture quotidienne. Lire le récit qu’il en fait avec sérénité et humilité mérite le respect que j’ai à son égard. Encore là, ma collaboration au Canada français, l’hebdo du Haut-Richelieu, depuis plus de 40 ans et à la revue Lettres québécoises de 2003 à 2017 ne fait pas le poids.
Les rituels de lecture de la fille et du père sont différents. Lui souligne ou commente ses livres parce qu’il suit l’auteur depuis des années ou au cas où il accepterait de passer sur le plateau de télévision? Il y a bien des exceptions, mais Bernard Pivot n’est pas au goulag ni un martyr de la sainte église de la littérature, puisqu’il adore son métier qu’il ne considère pas vraiment un travail. Je le comprends.
Il rappelle qu’il n’y a jamais d’obligation de terminer un livre qui nous tombe des mains comme le suggère Comme un roman de Daniel Pennac. Au sujet des relectures, le journaliste avoue ne pas comprendre, en révisant un roman paru il y a 10 ans, ses réactions d’alors, ou trop sévères ou trop flatteuses.
« Lire est un privilège » de dire unanimement Cécile et Bernard Pivot. S’ils préfèrent les romans, c’est qu’ils peuvent apporter une ouverture sur le monde et des cultures qu’ils ne côtoieraient pas autrement. Quant à la poésie, M. Pivot raconte que les poètes ne sont pas des invités volubiles, qu’il en a reçu peu, mais que le verbe haut de Gaston Miron fut l’exception qui confirma la règle.
L’ouvrage des Pivot, père et fille, m’a ravi et rappelé que, malgré l’isolement que la lecture requiert, c’est une activité qui permet une ouverture sur l’humain et les sociétés comme peu d’exercices parviennent à faire, même du côté des technologies de l’information ou des réseaux sociaux.



Bernard Pivot
Les mots de ma vie
Le livre de poche, 2011, 336 p., 12,95 $.
Le journaliste littéraire a publié, à ce jour, des ouvrages portant sur la langue. Des «dictées Pivot» aux «mots à sauver», du «métier de lire» au «petit dictionnaire amoureux du vin», il s’en tient à l’essentiel du discours, à sa passion du français. Ainsi, <@Ri>Les mots de ma vie<@$p> est un lexique composé de mots triés sur le volet de sa profession, et de sa vie quotidienne. Les élus ont en commun l’usage qu’il en fait, soit celui que les dictionnaires leur attribuent ou le sens qu’il lui prête selon le contexte. Je n’ai pas été surpris d’y retrouver «apostrophe» et «lire», le premier rappelant son émission culte et le second décrivant son activité préférée. Ces deux mots, comme d’autres qu’il a retenus, révèlent à quel point toute une vie peut se résumer en quelques termes et locutions.



Bernard Pivot
La mémoire d’en fait qu’à sa tête
Paris, Albin Michel, 2017, 238 p., 27,95 $.
L’auteur propose une suite de récits brefs inspirés par des aléas du quotidien devenus des historiettes qui ne peuvent être le seul fait du hasard. Un peu comme s’il «tirait ses marrons du feu». Parlant de marrons, M. Pivot raconte qu’il en a toujours un dans ses poches tel un gri-gri dont la présence rassure. Plus d’une soixantaine de situations ou d’événements retiennent son attention par la prégnance de l’empreinte qu’ils lui laissent. La mémoire du titre, par exemple, est bien celle dont on parle si souvent de nos jours; réelle ou artificielle, sa fugacité étonne, surtout quand elle nous échappe. Le journaliste raconte qu’il a des trous de mémoire depuis une maladie infantile et qu’il évite les écueils grâce à de nombreuses notes de lecture et en organisant avec soin des fiches repères.

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