Leonard
Cohen
The Flame, poems and selections from notebooks
Toronto,
McClelland & Stewart, 2018, 278 p., 32,95 $.
Leonard
Cohen
The Flame, poèmes,
notes et dessins
Paris, Seuil, coll. « Fiction & Cie »,
2018, 360 p., 39,95 $.
La voix chaude de
Leonard Cohen
J’aime dire qu’au-delà de mes
études universitaires en littérature, mon séjour à McGill m’a aussi permis de
découvrir un incontournable écrivain anglo-montréalais, Leonard Cohen. En 1969,
il avait déjà publié quatre recueils de poésie et deux romans, sans oublier Selected poems 1956-1968, un ouvrage
tiré de précédents recueils auxquels on ajouta une vingtaine d’inédits.
Je revois très bien la librairie
où je me suis procuré ce livre qui ne m’a jamais quitté et que je relis
régulièrement. Il en va de même pour ses chansons, dont le premier album studio
parut en 1967.
Or, il a fallu que paraisse Étrange musique étrangère (L’Hexagone,
2000), poèmes traduits par son ami Michel Garneau, remarquable poète et
dramaturge québécois, pour que j’écrive sur Cohen. Par la suite, j’ai recensé Livre du constant désir (L’Hexagone,
2007) et Poèmes du traducteur, un
recueil que Garneau écrivit tout en traduisant le livre de Cohen.
En octobre dernier, deux ans
après le décès de l’écrivain, The Flame,
une œuvre posthume s’est retrouvée sur les rayons des librairies;
simultanément, une version bilingue parut au Seuil, à Paris. Posthume certes,
mais préparé méticuleusement par Leonard Cohen lui-même en compagnie de ses
éditeurs anglophones, Robert Faggen et Alexandra Pleshhoyano, au cours des
derniers mois de sa vie.
La version originale anglaise et
sa traduction comportent des poèmes, les chansons de ses trois derniers disques,
ainsi que des proses et des poésies tirées de ses nombreux cahiers de notes
accumulés au fil des ans. S’ajoutent à ce riche contenu plusieurs dessins de l’auteur,
dont une variété d’autoportraits.
Un mot sur la traduction de
l’ouvrage. Je ne doute pas du travail de Nicolas Richard, le traducteur, mais j’aurais
préféré que ce soit Michel Garneau qui nous accompagne dans ce dernier voyage
littéraire de son vieil ami.
Une brève recherche sur Internet
m’a fait découvrir deux documents complémentaires à The Flame : un long article de David Remmick paru dans The New Yorker, le 17 octobre 2016, et
une entrevue accordée au même journaliste diffusée le mois suivant. Ce document
sonore est vraisemblablement la dernière rencontre médiatique de Cohen et sa
voix chaude m’a habité tout au long de la lecture de son livre.
Deux textes en fin d’ouvrage
méritent une attention particulière. D’abord, les remerciements de Leonard
Cohen lors de la réception du «plus prestigieux prix espagnol,
délivré par la Fondation Princesse des Asturies
et récompensant des travaux d’envergure internationale dans huit catégories»
dont la littérature. C’est en 2011 qu’il reçut ce prix et les propos qu’il a
alors tenus me semblent, en quelque sorte, son testament littéraire où il
considère de façon timide l’ensemble de son œuvre. Puis, il y a les
remerciements que l’éditeur, Robert Kory, a ajoutés à juste titre, ce que Cohen
lui-même aurait fait si le temps le lui avait permis.
Je vois une analogie entre la modestie de Cohen et
celle de Félix Leclerc, tous deux étant des écrivains avant d’être des bardes
populaires. Leonard Cohen, il l’a souvent répété, n’a jamais voulu chanter et
ce n’est que tard dans sa carrière qu’il en est venu à accepter qu’un public,
de plus en plus imposant, assiste à ses récitals qui le rendaient malade. Or,
en lisant The Flame, j’ai retrouvé la
vraie nature de Cohen, c’est-à-dire son talent devenu un art d’écrire les
émotions que les événements du quotidien lui inspirent, des plus banals aux
plus remarquables. Puis, il y a dans ce livre sa voix incomparable qui monte
comme une balade en fond sonore.